mardi 20 décembre 2011

Guinée : il faut sauver "le camarade Alpha"

Un an après sa prestation de serment comme Président de la République de Guinée, suite à l'une des pires mascarades électorales survenues en Afrique au cours des dernières années, le Professeur Alpha Condé devrait profiter de ce premier anniversaire pour réfléchir sur les nombreuses erreurs commises au cours de l'année qui vient de s'écouler afin de rectifier le tir, s'il est animé d'une quelconque volonté d'apporter un changement positif en Guinée. En effet, il faut le dire avec force: "le camarade Alpha" a bien besoin d'aide, pour sortir de l'ornière, et ses amis, parmi lesquels François Soudan de Jeune Afrique, ont bien raison de lui conseiller de "prendre de la hauteur, de la distance, de déléguer davantage, d'accorder sa confiance," mais aussi et surtout de "couper la sonnerie de ses cinq ou six portables et de cesser de vouloir être président de tout et de partout".

Voilà des conseils bien utiles venant de quelqu'un dont l'amitié pour "le camarade Alpha" ne peut faire l'objet d'aucun doute. Toutefois, il reste à voir si le destinataire y sera attentif. Le Président Alpha Condé a été rattrapé par la réalité de la gestion du pouvoir plus tôt qu'il ne s'y attendait. Les erreurs stratégiques commises au cours de la dernière année n'ont fait que révéler son manque de préparation à l'exercice du pouvoir politique. Le Professeur Condé devrait donc faire preuve d'humilité et reconnaître ses lacunes, en matières d'administration publique et de gestion, revoir son entourage et la composition de son gouvernement. Malheureusement, tout indique que son obstination à contrôler la totalité du pouvoir, notamment en faisant tout pour avoir une Assemblée nationale à ses ordres, l'empêche de tirer les leçons qu'il faut, pour faire amende honorable et ouvrir un véritable dialogue politique avec son opposition.

Si le Président Condé aime la Guinée, veut consolider la démocratie balbutiante dans ce pays, et assurer sa stabilité, il devrait s'atteler avant tout à créer les conditions nécessaires pour la tenue rapide d'élections législatives crédibles et transparentes, dont les résultats ne feront pas l'objet de contestations. Pour ce faire, il faudrait d'abord qu'il envisage l'hypothèse d'avoir une Assemblée nationale au sein de laquelle son parti sera minoritaire, car rien ne pourra lui assurer une majorité parlementaire, avec l'éclatement actuel des forces politiques, notamment avec la dislocation de fait de sa coalition dénommée "Arc-en-Ciel," mais également en raison de la déception grandissante même parmi ceux qui avaient voté pour lui.

Il est évident que les critiques constamment formulées par le Président Condé à l'encontre du régime de feu le Général Lansana Conté et l'éphémère Conseil national pour le développement et la démocratie (CNDD) ne peuvent convaincre de sa volonté de rupture d'avec ce système, dans la mesure où aujourd'hui l'ossature de son administration est composée d'éléments parmi les moins recommandables de ce système qu'il a prétendument combattu pendant plus de deux décennies.

Le changement ne se décrète pas. Ce ne sont pas les discours qui apporteront le changement tant attendu. Les actes posés par le chef de l'État, leur impact sur le fonctionnement de l'administration, ainsi que leurs conséquences sur la vie des citoyens sont les meilleurs indicateurs de la volonté de changement.

La Guinée a déjà eu plusieurs rendez-vous manqués avec des chefs d'État qui avaient promis aux citoyens le bonheur et l'unité nationale, avant de se muer en despotes ou autocrates mégalomanes et nuisibles à l'essor d'une démocratie stable et une économie prospère. Il serait triste que "le camarade Alpha" emprunte le même chemin et continue à y sombrer. Il a encore le choix d'être différent de ses prédécesseurs et il n'est pas encore tard pour bien faire. Osons donc espérer qu'au seuil de la nouvelle année 2012, "le camarade Alpha" se ressaisira et prouvera aux Guinéens, par des actes concrets, que le changement qu'il a promis ne sera pas synonyme de détérioration continue de leurs conditions de vie et d'accentuation des divisions du pays sur des bases ethniques ou régionalistes.

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