vendredi 27 avril 2007

MAINTIEN DE LA PAIX : FAUT - IL UNE ARMEE POUR L'ONU ?

ASSOUAD Amine, DI CARMINE Tina, DIALLO Abdourahmane
Séminaire de M. Dominique David
"Organisation internationale et Sécurité Globale"
Sciences Po Paris, Printemps 2006.

18 OMP soutenues par le DPKO en cours au mois de mai 2006/ 60 Opérations de maintien de la paix depuis 1948. Personnel en uniforme : 72 731/ Personnel Total : 88 652
Nombre de Pays fournisseurs de personnel militaire et de police :108
Depuis quelques années, on ne cesse de parler de la Crise des OMP. On évoque leur efficacité relative. Le blan de ces opérations est souvent cosnsidéré comme un bilan mitigé. Tout cela est accentué par un contexte international en pleine mutation où les conflitssont d eplus enplus internes aux Etats et de moins en moins inter-étatiques. Des problèmes de coordination sont également souvent évoqués lorsqu'on parle de la crise des OMP. Comment pourrait-on y remédier ? Est-il possible, est-il souhaitable de créer une armée supra-étatique pour l’Organisation mondiale ? Quelles sont les avantages et les difficultés liées à la mise sur pieds d’une telle armée ? Avant de revenir sur ces questions, il faudrait tout d’abord rappeler que l’idée d’une force permanente au service des Nations Unies hante l’institution depuis sa création. Le projet non encore réalisé est contenu dans la charte-même de l’Organisation.

I. Un vieux projet contenu dans la charte mais jamais réalisé.

Le principe inappliqué de la charte. Art 43


Echec de la mise en place des structures du Comité d’Etat-major

Le rôle et les fonctions du Comité d’Etat-major sont principalement traités dans les articles 45 à 47 de la Charte. En gros il conseille et assiste le Conseil de sécurité pour tout ce qui concerne les moyens d’ordre militaire nécessaires au Conseil de Sécurité.
Le Comité d’Etat-major est donc un organe subsidiaire des Nations Unies, non au sens de l’article 29 (car il a été crée par la charte et non par le Conseil lui-même) mais du fait qu’il agit sous le contrôle et l’autorité du Conseil. Il est une sorte de “second” pour toutes les questions de nature militaire, et celles relatives à la sécurité et au désarmement.
Il hérite en quelque sorte “par filiation” des pouvoirs discrétionnaires du CS. Il peut, s' il est chargé par le CS, traiter de plusieurs questions : maintien de la paix et de la sécurité au sens large de la charte.
Cependant étant un organe dépendant du CS, il a hérité de toutes les difficultés du CS : au niveau de sa composition, de sa procédure de vote et de son règlement intérieur.
Il n’a donc pas échappé au caractère fondamentalement politique du CS, et est devenu donc aussi un organe politique alors qu’il devrait être un organe militaire. Organe militaire malgré lui (puisqu’il n’a jamais été un organe véritablement militaire qui pourrait diriger un Etat-major militaire et conduire une opération militaire). C’est un organe militaire sans prolongement opérationnel, un simple organe technique de conseil et de planification.
Et même cette fonction de conseil est défaillante, car le Comité ne peut donner de conseil indépendant, puisque composé des représentants des Etats auxquels ces conseils s’adressent. L’information et les renseignements sont faussés dès le départ puisqu’ils sont donnés par les Etats membres. On sait bien combien, dans le domaine de la sécurité, les Etats sont plus que réticents à divulguer leurs informations. Il est ainsi un organe d’expertise sans expertise véritable. Son conseil et son expertise peuvent être politiques mais jamais militaires. Il ne bénéficie même pas de la marge de manœuvre du SG, puisque ses ordres découlent directement du CS. Sans ordre ou sans demande effective, il reste inactif.
Le Comité d’Etat-major s’est vu déposséder des quelques attributions qu’il avait au profit d’autres organes (comme le département des affaires du désarmement), et cette dépossession s’est accentuée au fil du temps. Aujourd’hui l’ONU est devenue, par la défaillance du Comité d’Etat-major, une organisation sans direction stratégique. Aujourd’hui les réunions du Comité d’Etat-major toutes les deux semaines sont de simples réunions formelles et de routine entre les militaires. On se demande des fois s’il ne faut pas le supprimer.

Echec des négociations sur les accords spéciaux prévus à l’article 43 :

Au fil des négociations on s’aperçoit que les Etats n’étaient pas prêts à doter l’organisation de moyens trop importants. Surtout, ces moyens militaires ne devaient pas permettre aux Etats de se reposer sur ces forces et donc réduire l’efficacité et la préparation de leurs propres troupes nationales. Les forces de l’ONU ne devaient pas aussi dépasser un certain seuil, et les accords devaient être assez souples pour ne pas constituer une contrainte aux Etats. Aussi la guerre idéologique est venue rendre impossible toute forme de coopération sur les points sur lesquels on était tombé d’accords.
L’article 43 prévoit que les Etats membres mettent à disposition du CS les forces armées nécessaires au maintien de la paix, et facilitent le droit de passage transfrontalier de ces forces.
Dès le départ le texte de la Charte contenait une ambiguïté : L’art 43 al.3 prévoit un accord multilatéral entre le Conseil et des Etats membres. L’art 43 al.1 dispose que tous les Etats membres des Nations Unies s’engagent à mettre à la disposition du Conseil de Sécurité. Par cette imprécision, les rédacteurs de la Charte étaient conscients que, pour des questions de ressources et de savoir-faire militaire, tous les membres de l’Organisation ne pourraient fournir des forces armées. Au cas où les Etats qui ont promis ne fournissent pas d’armées, la Charte est silencieuse sur ce point. On voit bien les impasses qui se profilent derrière le manque d’autorité.

Les points d’accord des négociations :

Le nombre et la composition des forces mises à la disposition du Conseil : les deux principes ici en vigueur pour servir de base aux contributions sont : les moyens dont disposent les Etats membres et les besoins du Conseil. Pour plus d’efficacité ces forces doivent être composées pour l’essentiel des armées des membres du Conseil. D’autres Etats peuvent seulement fournir des facilités ou toute forme d’assistance.
La question du commandement : ici il y a une ambiguïté entre la nécessité d’avoir un commandement relevant du Conseil de Sécurité (et du Comité d’Etat-major) et celle de garder un contrôle national sur les forces prêtées par les Etats membres. Une ambiguïté qui a satisfait tout le monde mais les l’autorité est divisée en deux : autorité nationale et autorité internationale difficiles à marier sur le terrain.
Le degré de préparation des forces : les forces armées doivent être soit maintenues en état de combattre, soit amenées à cet état dans des délais prévus dans les accords spéciaux.

Les points de désaccord :
La question de l’égalité ou de la comparabilité des contributions va être le principal blocage des négociations. On veut une puissance suffisante pour permettre au Conseil de Sécurité d’agir en tout moment et en tout point de globe. Or qu’est-ce qu’une force suffisante ? Les USA, la France, le Royaume Uni et la Chine veulent une certaine inégalité des contributions de chaque Etat mais une contribution initiale comparable. L’URSS voulait des contributions égales.
L’emplacement général des forces et l’utilisation des bases stratégiques : on peut ici bien s’imaginer pourquoi les négociations ont échouées.
La limitation de la durée d’emploi de la force : Certains voulaient fixer un délai avant chaque opération, tandis que d’autres pensaient que cela était impossible.
Le droit de légitime défense : on a buté sur l’utilisation “extérieure” possible de forces armées mises à la disposition du CS, dans le cas où certaines nations refuseraient de fournir des forces.

Cet échec des négociations va avoir des conséquences lourdes : on va avoir une situation transitoire qui va devenir permanente et on va maintenir en vigueur les dispositions de l’article 106. Dans l’attente de la signature des accords spéciaux prévus à l’article 43, c’est l’article 106 qui s’applique. Il veut que les grandes puissances agissent en harmonie face à une menace à la paix, comme c’est le cas aujourd’hui. Or ceci est risqué dans un système international non intégré.

Résolution Dean Acheson de 1952 et problèmes posés par la Guerre froide
La Guerre de Corée est la première crise majeure à laquelle l’Organisation est confrontée.
L’URSS pratique à ce moment la politique de la chaise vide pour protester contre la présence d’un représentant de la Chine nationaliste au Conseil de Sécurité et l’absence d’un représentant de la Chine communiste. Lorsque les troupes nord-coréennes franchissent le 38ème parallèle, on vote aisément au Conseil de Sécurité l’envoi d’une force de maintien de la paix pour répondre à cette agression, même si ni la Corée du Nord, ni la Corée du Sud ne sont membres des Nations Unies.
Mais au moment où on devait franchir le 38ème parallèle (franchissement dont réclamait la Corée du Sud pour un règlement global de la question de la péninsule), le délégué soviétique reprend son siège au Conseil. Il y a de nouveau blocage.
Les Etats-Unis portent alors l’affaire devant l’Assemblée Générale, puisque les résolutions du Conseil de Sécurité n’ont pas établi de mandat clair sur les moyens de restaurer la paix en Corée. Le Secrétaire d’Etat américain Dean Acheson propose alors à l’Assemblée un projet de résolution intitulé “Union pour le maintien de la paix” qui est votée le 3 novembre 1950 par 52 voix contre 5. Cette résolution 377 a été prise pour pallier la paralysie du conseil. Or la charte ne prévoit pas un tel rôle à l’Assemblée Générale. Le mécanisme de la résolution Dean Acheson est donc exceptionnel puisque réservé à des mesures d’urgence. Dans le cas où le CS est paralysé, l’AG peut prendre les directives dans les situations envisagées par le chapitre VII de la Charte. La résolution Dean Acheson est donc une mesure pratique uniquement. Elle veut multiplier les chances de résoudre une crise par l’ONU. Il n’y a pas ici un transfert de compétences mais uniquement un moyen, après vote il faut insister, de pallier la paralysie du CS, comme ce fut le cas longtemps durant la guerre froide.

La crise de du Canal Suez(1956) : naissance des OMP et le projet Pearson
A partir du milieu des années 50 et vu l’adhésion massive des pays, anciennes colonies, l’Assemblée Générale change de majorité au détriment des Etats-Unis. Avec la coexistence pacifique, et l’émergence des non-alignés les oppositions deviennent en plus de l’axe Est-Ouest, une opposition Nord-Sud. Les conflits changent aussi de nature. Ils sont pour la plupart dus de la colonisation et des découpages artificiels.
Devant l’impossibilité de créer une force armée permanente et de voter une action conjointe des membres permanents du CS et l’impossibilité de mettre en œuvre le chapitre VII, l’ONU va essayer d’innover pour continuer à maintenir la paix. Les missions d’observation étaient un premier mode d’action pour des conflits ou des différends limités. Mais après l’affaire de Suez, Dag Hammarskjöld et Lester Pearson vont élaborer une nouvelle forme d’action : la force d’interposition composée de contingents armés nationaux fournis de façons volontaire par les Etats membres de l’ONU autres que les 5 grandes puissances. Ce nouveau type d’intervention, s’il n’est pas strictement prévu dans la Charte, répond bien à l’esprit de celle-ci qui est finalement de maintenir la paix, et c’est le plus important.
Les opérations de maintien de la paix ont très vite été appelées des actions menées en vertu du “Chapitre Six et demi”. Ces actions peuvent en fait être entreprises, selon les circonstances, sous le chapitre VI ou le chapitre VII. En réalité, elles constituent un chapitre à part entière puisqu’elles constituent un autre moyen d’action que ceux prévus dans les deux chapitres. En l’absence écrite d’une source justifiant les OMP, la légalité de celles-ci repose sur l’Article 1, paragraphe 1, de la Charte qui dit qu’il faut prendre des mesures collectives efficaces en vue de prévenir ou d’écarter les menaces à la paix.
Les opérations ont un caractère non militaire. Seulement de maintien de la paix. Elles sont légèrement armées et n’ont pas une mission coercitive comme ceux que peut décider le CS dans le cadre du chapitre VII. L’opération de maintien de la paix est plus un moyen pragmatique pour aider la diplomatie onusienne pour accomplir ses missions. C’est pourquoi on nomme sa base juridique de chapitre six et demi.
La décision de créer une OMP revient-elle à l’AG ou au CS ? On s’accorde à dire aujourd’hui qu’il y a un partage de facto de pouvoir de décision entre l’AG et le CS.
C’est le SG qui exécute les OMP. En effet, l’AG, contrairement au CS ne peut exécuter les résolutions qu’elle vote. Pour exercer ces fonctions le SG s’appuie sur l’article 98 qui peut être utilisé que pour les situations qui se présentent et n’est pas spécifique au chapitre VI ou VII. La mise en sommeil du Comité d’Etat-major projette au premier plan le SG.
En définitive, dans le cadre des opérations de maintien de la paix on assiste à la formation progressive d’un système improvisé (qui a néanmoins montré une certaine efficacité) qui arrange finalement tout le monde et qui s’accommode bien des intérêts fluctuants de la scène internationale. On agit au cas par cas, et on fait naviguer l’ONU à vue dans le domaine de la sécurité internationale.
Est-ce que finalement l’absence d’une codification rigide et la souplesse de la Charte n’ont-ils pas donné plus de vigueur à l’ONU qu’elles ne l’ont sanctionné ?


II. La crise des OMP et la réactualisation du débat sur la nécessité d’une force permanente
2.1. Les OMP : une réalité en constante évolution
Boutros Boutros-Ghali : « jamais auparavant l’Organisation des Nations Unies n’avait été si orientée vers l’action, si activement engagée, jamais on n’avait autant attendu d’elle qu’elle satisfasses des besoins, à la fois immédiats et multiformes ».
·Le changement du contexte international
Fin de l’opposition Est/Ouest :
-les grandes puissances ne contrôlent plus les blocs, mutation des conflits qui sont de plus en plus internes et de moins en moins inter étatiques. Donc, besoin d’une police internationale respectée. Ce besoin est conforme aux buts assignés par la Charte aux NU
-Déverrouillage du C d S, plus de veto automatique
àréévaluation des domaines d’intervention des NU au profit de la sécurité internationale
De ce fait, interventions dans les crises, missions de maintien de la paix, et parrainage pour des interventions multinationales.
·L’adaptation des OMP
-Les OMP classiques sont dites de 1ère génération : ces opérations sont généralement autorisées par le Conseil de sécurité de l’ONU et visent à faire respecter un accord de cessez-le-feu préalablement signé entre les parties belligérantes. Ce type d’opérations était la règle durant la guerre froide. C’est le « peace keeping ». Chap. 6 de la Charte
-Le changement du contexte international a conduit les NU à déployer des OMP d’un nouveau genre, dite de 2ème génération. Ces missions se déroulent le plus souvent dans le cadre de conflits intra-étatiques. C’est l’Agenda pour la paix de Boutros Boutros-Ghali, rendu publique en 1992, qui a donné le coup d’envoie à ce nouveau genre d’opérations. Il y évoque la possibilité pour l’ONU de mettre sur pied des missions de paix plus musclées. Il s’agit en fait de « peace making » (rétablissement de la paix), voire de « peace enforcing » (imposition de la paix). Chap. 7 de la Charte, l’emploi de la force est autorisée.
-Les opérations de 3ème génération, celles de « peace building » regarde « la création ou reconstitution des conditions empêchant le retour à un conflit armée. » (David) Tâches diverses et complexes, mettant à contribution aussi bien les acteurs civils que militaires.

·Les résultats
-Après 1992, et dans la lignée de Tempête du Désert, engouement pour le rôle de l’ONU. De ce fait, déploiement de diverses opérations de maintien de la paix ambitieuses (Cambodge, Bosnie, Mozambique, Sahara occidental et Haïti).
-1993-94 Le temps des désillusions. Déploiement d’opérations de 2ème génération en Somalie, au Rwanda ou un Yougoslavie. Cet élan est stoppé par la mort de 18 soldats US en Somalie, par le bourbier yougoslave et par l’incapacité des casques bleus de stopper le génocide au Rwanda.
-A partir de 1996, l’ONU se recadre sur une conception plus classique du maintien de la paix. Les actions militaires sont déléguées aux Etats intéressés ou aux organisations régionales. De fait, partage géographique, des tâches, le Cd S consacrant 70 % de son temps à l’Afrique.
àDepuis la fin de la guerre froide, résurgence de la question militaire au sein de l’ONU, au niveau des concepts, des règles d’engagement, de la préparation des missions, des moyens employés.


2.2. Un bilan mitigé : pourquoi les OMP actuelles ont elles une efficacité discutable ?
·Pas de théorisation des nouvelles OMP
Difficulté d’adaptation du modèle initial à des opérations de plus en plus complexes. La mission des casques bleus semblent s’être étendue du chap 6 au chap 7, sans qu’aucun sous-bassement conceptuel ne soit venu appuyer cette extension.

·L’engagement tiède des Etats
-Les Etats du Nord
La question financière. Pour l’année 2006, le coût des OMP est estimé à 5, 03 milliards $, mais les contribution non réglés au titre des OMP représente la moitié de cette somme. Parce que les Etats refusent de payer, l’ONU ne peut donner aux OMP l’ampleur qu’elles devraient avoir
Les grandes armées occidentales sont rarement présentes dans ces opérations car ces missions sont jugées ingrates, consommatrices d’effectifs et onéreuses. En effet ce ne sont pas les 1000$ versés par homme et par mois par les NU qui couvrent les dépenses d’un soldat US ou français.
-Les Etats du Sud
Ils ont le mérite de fournir des contingents. En effet, les principaux fournisseurs de casques bleus ( dont les contingents sont supérieurs à 2000 hs) sont le Bangladesh, l’Ethiopie, le Ghana, l’Inde, la Jordanie, le Pakistan, l’Afrique du Sud et l’Uruguay).
Cependant, ils déploient des soldats peu aguerris, peu motivés et mal équipés. Ainsi, le contingent sud africain déployé en RDC durant l’été 2004 s’est mutiné car conditions sanitaires déplorables, pénurie de sacs de couchage, de gilets pare-balles…
La motivation de certains effectifs provient plus de la rémunération en $ versée par les NU que de l’accomplissement d’un service public international. Pour certains participants des OMP, l’équipement obtenu est revendu. Cas de détérioration, voire de destruction de matériel lié à l’inexpérience des utilisateurs. Hausse du coût des opérations.
à Dans les deux cas, les effectifs mis à disposition par les Etats sont insuffisants. De surcroît, les mandats que les Etats assignent à leurs forces sont souvent insuffisants, inadaptés aux circonstances et souvent ambiguës pour favoriser le consensus au C d S. Lorsque les casques bleus sont autorisés à ouvrir le feu, c’est en application de « règles d’engagement » très inhibitrices..
·Inadaptation des structures UN
Il s’agit de difficultés liées à l’inadaptation des structures des NU à des missions de plus en plus complexes et inadéquation des moyens donnés aux NU pour s’acquitter de tâches qui se sont accrues.
-Contrainte d’une intervention des NU : obtention d’un consensus au sein du C d S et du P 5.
Acquisition d’une certaine légitimité mais la capacité de l’ONU a prendre des décisions rapides et efficaces pour stopper une crise est inexistante. De nombreuses situations ont dégénéré faute d’une réponse internationale rapide.
-Comme on l’a vu, recrutement des contingents sur une base volontaire parmi les pays membres. Ceux-ci ne s’engagent pas à l’avance mais au coup par coup, la prévision et l’action rapide sont impossible. Par ailleurs, caractère hétérogène des troupes nuit à leur efficacité militaire. Les contingents sont fournis par plus de 108 pays, de culture militaire différente, de dvt disparate, d’équipements hétéroclites, langues différentes, niveau technique différent…
-Les équipements des OMP sont souvent inadaptés pour s’opposer utilement aux parties au conflit. Défaut de renseignement. L’ONU n’a pas le droit de faire de l’espionnage, de recourir à des informateurs sur les positions, les déplacements et les effectifs de ceux qui s’opposent à elle. La chaîne de commandement entre les commandant des forces ONU, le Secrétaire général, et les unités sur le terrain est trop longue. Absence d’Etat major UN qui puisse transformer les mandats UN en actions concrètes sur le terrain.


III. Les avantages d’une force permanente et les difficultés de sa mise en œuvre
Les OMP aussi bien de Première, de deuxième que de troisième génération ont toutes révélé des difficultés de fonctionnement et mis en exergue les carences des interventions onusiennes dans les situations de conflits complexes. Il est donc utile d’examiner en quoi une force permanente de l’ONU ou tout simplement une Armée entièrement à la disposition de l’Organisation mondiale pourrait améliorer la situation :

3.1. Avantages, Faisabilité et problèmes opérationnels d’une force permanente :
1.) Avantages : Palliatifs aux carences suivantes des OMP actuelles

a.) Problème de Déploiement rapide
C’est l’un des principaux problèmes auxquels font faces les Nations Unies lorsqu’il s’agit d’intervenir dans une situation de conflit. Entre le vote de la résolution autorisant l’intervention et le début du déploiement des troupes, il faut souvent attendre plusieurs mois. Ce problème est souligné par tous les documents produits sur les missions de paix aussi bien par l’agenda pour la paix de Boutros Ghali, que par le rapport Brahimi et le document du High level panel de 2004

b.) Indisponibilité des troupes
L’indisponibilité des troupes constitue un autre problème essentiel pour les Missions de paix. La plupart d’entres elle ont vu leur efficience mise à mal par le nombre insuffisant de troupes disponibles. Cela a conduit notamment à des crises humanitaires comme celles connues par le Burundi et l’Angola, mais aussi au drame du génocide rwandais. Le problème étant justement que le succès des opérations de paix dépend entièrement du bon vouloir des Etats à fournir des « peacekeepers ». La disponibilité d’une force permanente des Nations Unies permettrait de résoudre, au moins partiellement, ce problème dans les situations d’urgence humanitaire.

c.) Problème d’interopérabilité
Le problème d’interopérabilité émanant fréquemment des missions onusiennes est quant à lui lié à la présence de moyens et équipements différents qui peuvent engendrer des contraintes de compatibilité, d’efficacité et de cohérence au sein d’une opération. Une autre difficulté est celle liée à l’entraînement des troupes qui est aujourd’hui toujours assuré par les Etats pourvoyeurs de casques bleus. La conséquence qui en résulte c’est que les résultats sont totalement inégaux. Ils produisent des cultures d’engagement et d’interventions distinctes pouvant causer des frictions lors des missions conjointes. Autant de problèmes qui pourraient être résolus avec une armée permanente placée sous l’autorité d’une administration unique.
d.) Problèmes collatéraux lié au commandement.
L’utilisation de forces ad hoc pour les OMP entraîne souvent des effets collatéraux sur le commandement des troupes : certains contingents nationaux préférant attendre les ordres de leur gouvernement plutôt que d’obéir aux directives onusiennes. Nonobstant donc le fait qu’elles servent sous le drapeau bleu de l’ONU, certaines troupes démontrent davantage d’allégeance à leur Etat d’origine qu’aux Nations Unies. Les Etats pourvoyeurs de casque bleus désirent quant à eux conserver en « sous-main » leur chaîne de commandement interne et demeurer engagés dans toute opération impliquant leur nationaux. Une force onusienne permanente permettrait de remédier à ce problème ainsi qu’à tous les dysfonctionnements que nous venons de citer.

2.) Faisabilité et problèmes opérationnels de la mise en œuvre:
a.)Rapport Conetta & Knight (1995)
Le plus récent projet d’une armée pour les NU date de 1995 et s’intitulait Vital Force. Deux chercheurs du Commonwealth Institute, Carl Conetta et Charles Knight y préconisait la création d’une légion «onusienne ». Celle-ci devrait être plus importante que l’armée norvégienne ou danoise et devrait rassembler 44 000 soldats dont 32 650 projetables. Le recrutements se ferait sur une base de volontariat à travers un programme conjoint entre les Etats membres et l’ONU. Ils prévoyaient un mécanisme de relais à la tâche de façon à pouvoir maintenir 15 000 soldats sur le terrain en permanence. Mais le problème c’est justement que ce nombre s’avère insuffisant car en 2004 déjà l’ONU déployait 62 289 militaires et policiers dans les opération de paix. La deuxième idée de ces auteurs, c’est l’établissement par l’ONU de 3 ou 4 bases militaires, sur des sites concédés à perpétuité par les Etats membres aux Nations Unies et l’achat de tanks, d’hélicoptère, d’avions de transports, voire même d’un système de défense antiaérienne. Selon leurs estimations, cette légion coûterait (une fois l’équipement initial acheté)au moins 3 milliards de dollars par an et augmenterait de 25% les capacités de déploiement de l’ONU. Cette force pourrait-elle compter sur la réactivité de l’institution ? La forte hostilité des USA enterre tout projet d’armée permanente.

b.) BIRFA : les limites d’une alternative
La Brigade multinationale d’intervention rapide des forces en attente des Nations Unies (BIRFA) (mieux connu sous l’acronyme anglophone Multinational Stand-by Force High Readiness Brigade for UN Operations SHIRBRIG) a été créée suite à l’horreur suscitée par le génocide rwandais de 1994 et le sentiment de culpabilité de la communauté internationale d’avoir observé impuissant ces massacres se dérouler. En 1995, le Danemark a donc réuni un groupe de travail regroupant des Etats engagés dans les opérations de maintien de la paix afin d’explorer la possibilité de mettre en place une force de déploiement rapide au sein du système d’arrangements relatifs aux forces en attentes des Nations Unies, la Stand-by Arrangement System (UNSAS). La BIRFA vit le jour le 15 décembre 1996 avec la signature des documents cadres de la BIRFA par les pays suivants : Autriche, Canada, Danemark, Pays Bas, Norvège, Pologne et Suède. Pour les fervents défenseurs d’une force permanente, cette brigade constituait ainsi une alternative édulcorée d’une « armée onusienne ». La BIRFA compte aujourd’hui quinze Etats membres ainsi que sept pays participant à titre d’observateurs.
Le mandat premier de la Brigade est de fournir aux Nations Unies une brigade multinationale rapidement déployable grâce aux arrangements SAFANU. Tout déploiement de la BIRFA doit émaner d’un mandat du Conseil de Sécurité, particulièrement en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés au chapitre VI de la charte, mais les membres de la Brigade demeurent ouverts à la possibilité d’effectuer des opérations plus robustes. De plus le temps de déploiement de la brigade se situe entre quinze et trente jours, suivant la décision d’intervention des Etats membres. En outre les unités de la BIREFA peuvent être autarciques pendant une durée de soixante jours.

Malgré ses aspects la BIRFA ne s’est pas encore montrée à la hauteur des situations pour lesquelles ses créateurs la destinaient. En effet bien qu’initialement créée afin de pallier des carences du déploiement rapide, la Brigade mit quatre mois à se déployer en 2000 lors de son opération en Ethiopie et en Erythrée (MINUEE). Quelques quatorze pays étaient alors membres de la Brigade, mais trois seulement- le Canada, le Danemark et les Pays Bas- participèrent à l’opération.
Leçons tirée de cette expérience : de nombreuses procédures furent instituées par les Etats membres afin de favoriser l’acquisition de matériel militaire et technologique inter-opérable/ Rassemblement d’officier en un corps semi-autonome qui participe à l’avènement d’une culture militaire et d’intervention commune.
Bref, si la BIRFA répond à certaines carences des opérations de paix actuelles, elle ne peut pas encore se targuer de pouvoir se substituer au concept de force onusienne permanente en raison de lacunes importantes liées entre autres aux problèmes de lenteur de déploiement et de contrôle étatique qui sont inhérents à ce type de brigade. En vérité l’engagement politique des Etats peut toujours faire défaut.

3.2.) Régionalisation et privatisation des Opération de paix, des alternatives insatisfaisantes
1. Recours aux organisations régionales
L’ONU n’est pas le seul cadre multilatéral qui favorise le règlement des conflits. Des coalitions d’Etats ont multiplié les interventions, par exemple au cours des dernières décennies en ex-Yougoslavie, au Libéria, en Sierra Leone, en côte d’Ivoire, etc. avec ou sans l’accord des NU
Toutefois, même si la Charte indique que l’Organisation des NU doit agir en coopération avec les organisations régionales, elle ne définit pas les modalités pratiques de cette coopération. Le chapitre 8 reconnaît le rôle premier des accords ou des organismes régionaux dans la recherche du maintien de la paix. Le développement d’un partenariat avec les Organisations régionales de sécurité est également une des quatre conditions de la rationalisation des OMP proposées par le Sous-Secrétaire Général des NU chargé du DPKO, le français , Jean Marie Guéhenno. Les trois autres conditions qu’il souligne sont :
1 .) le fait de ne pas s’engager dans des conflits ouverts, 2) le développement des moyens financiers et militaires et 3.) la disponibilité de moyens d’action sur le long terme (présence physique d’une longue durée, par exemple).
Mais pour en revenir à la condition qui nous intéresse ici, c’est à dire la coopération avec les organisation régionales, l’ONU pourrait utiliser justement les accords ou organismes régionaux pour l’application des mesures coercitives prises sous son autorité. Le texte de la Charte considère que seul le C d S est habilité à ordonner une action coercitive. La coopération entre l’ONU et les organisations régionales a d’abord eu lieu sur le terrain de manière chaotique, notamment avec l’OSCE, l’OTAN et la CEDEAO, avant d’être institutionnalisée. Milieu des années 1990, l’ONU souhaite renforcer la coopération pour partager le fardeau du maintien de la paix. Bureaux de liaison ont été créés à NYC par l’OTAN, l’UE la Commission européenne, l’UA. L’ONU veut favoriser la création de centres de formation régionaux et des partenariats avec des initiatives comme le RECAMP (renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Elles permettent aux pays africains de mettre sur pieds des unités capables de s’engager dans des opérations internationales. Il existe au moins deux raisons pour lesquelles, il est envisageable de développer la coopération :
La proximité des organisations régionales avec la zone de crise peut permettre un
déploiement plus rapide des troupes. Par exemple, il serait plus facile d’envisager le
déploiement de troupes de certains pays membres de la CEDAO (Sénégal, Mali, Ghana, etc. dans un pays de la région (comme la Côte d’Ivoire) plutôt que d’attendre l’envoi de troupes Sri Lankaises, Pakistanaises ou chiliennes.
Il existe déjà des initiatives de création de forces d’interventions rapides au niveau de
certaines régions : c’est le cas notamment avec les Standby units de la CEDEAO, mais aussi en Europe avec la mise en place de la brigade multinationale balkanique de l’Europe du Sud Est (SEE-BRIG, 1998). Celle-ci intègre des forces italiennes, albanaises, bulgares, grecques, macédoniennes, roumaines et turques. C’est également le cas avec la force de réaction rapide de l’UE dans le cadre de la PESD(Politique Européenne de Sécurité et de Défense). Les forces rapides de l’OTAN, comme les GFIM (groupe de forces interarmées internationales) ou les corps de réaction rapide (HRF) composés de contingents affectés de manière permanente. Dans le cadre d’une coopération renforcée et, ces forces pourraient faciliter le travail de l’ONU, soit en se déployant rapidement pour ensuite passer le relais aux NU (modèle de l’Interfet au Timor), soit en intervenant pour stabiliser une situation qui se dégrade et ainsi éviter que l’opération de maintien de la paix ne soit dépassée (modèle de l’intervention britannique au Sierra Leone). Mais tout cela pose une exigence majeure, c’est la mise à disposition du Conseil de Sécurité d’information mises à jours sur toutes les opérations en cours.
Par ailleurs, la « sous-traitance » par les Organisations régionales pose un certain nombre de problèmes. Selon la région considérée, quel champ le Conseil de sécurité serait-il prêt à laisser aux organismes régionaux ? Comment dresser les priorités et répartir les tâches entre les NU et les organisations régionales ? Dans les cas où il y a eu partage des tâches (Somalie, Yougoslavie) les ratés ont été nombreux.
Les propositions en faveur de forces formées à partir de la réunion de contingents nationaux 3 possibilités : force de réaction rapide, unités d’imposition de la paix ou forces de réserve
Ce type de force temporaire peut être constituée à partir de contingents casques bleus déjà déployés. Par ex, prélèvement au sein de la FORPRONU d’une force pour aider les casques bleus pris en otage.
Est-il possible de reproduire le modèle de l’OTAN dans les autres aires régionales ? Les autres organisations régionales ont-elles les moyens d’assurer leur sécurité ?
Autant de questions auxquelles nous ne pouvons répondre par l’affirmative aujourd’hui. Une autre question soulevée par cette «sous-traitance», mais au niveau des Etats cette fois-ci, c’est justement le risque d’une instrumentalisation des NationsUnies par les plus puissants dans le seul but de légitimer des actions militaires dont le principal objectif ne relève pas de la défense de la sécurité collective. Il serait donc difficile d’envisager aujourd’hui une action comme la guerre du golfe menée par les américains et la coalition internationale qu’ils dirigeaient au nom de l’ONU.

2. Et le Recours aux sociétés militaires privées ?
C’est une option qui est montée en popularité au cours de la dernière décennie. Si les sociétés militaires privées sont déjà actives dans plusieurs domaines comme le déminage humanitaire, et la sécurisation de sites (Afrique du sud et moyen orient), elles estiment maintenant constituer une alternative par excellence aux difficultés auxquelles doivent faire face les Nations Unies. A l’époque Sous –Secrétaire Général chargé du maintien de la paix , Kofi Annan avait étudié la possibilité d’avoir recours aux sociétés militaires privées pour sécuriser le Rwanda en 1994. Mais l’idée fut répudiée par l’Onu. Les promoteurs de cette option estiment toutefois que l’ONU épargnerait ainsi environ 20% des coûts actuellement engendrés par les missions de paix en plus de venir à bout de l’hésitation qu’entretiennent nombre de gouvernement à engager leurs troupes dans des zones troubles. Même si celles-ci ne servent pas encore sous casques bleus, elles sont déjà prestataires de service pour les NU. Cela pourrait constituer une réponse au désengagement des grandes puissances et à la faiblesse des contingents onusiens. Externalisation du maintien de la paix= option tentante. La firme US Dyncorp ou la française Secopex assurent déjà la protection de certaines missions de l’ONU, d’autres comme Armor Group ou PAE apportent un soutien logistique. En 2003, un consortium de sociétés militaires a même proposé aux NU de monter une opération d’imposition de la paix en RDC. Les opérations proposées sont le soutien (transport, maintenance, restauration, approvisionnement…), formation, déminage humanitaire, contrôle du désarmement, sûreté portuaire et maritime, renseignement, protection des forces, surveillance des sites sensibles et protection des personnalités.
Leurs avantages seraient: coûts réduits, réactivité, personnels expérimentés, contrôle final assuré par le Département des opérations de maintien de la paix…
Leur emploi n’est pas sans risque, comme le montrent les dérives actuelles en Irak : surfacturation, recrutement d’inégale qualité… Dans cette opération, les mercenaires ont été présents à une échelle jusqu’alors inédite (12 000 hommes présents en permanence et contrats dont la valeur totale dépasse 8 milliards $.). Les SMP constituent la deuxième force présente en Irak après les américains. De plus, entretenir des hommes qui ne vivraient que pour faire la guerre serait peu conforme à la tradition pacifique des NU.
Cependant, l’Organisation n’a pas donné suite à cette proposition de faire recours aux sociétés militaires privées, jugeant qu’elle allait à l’encontre du principe d’égalité souveraine, d’indépendance politique et d’intégrité territoriale en plus de soulever le problème d’imputabilité des troupes car en vérité, qui est responsable des actions de l’ONU si ce ne sont ses membres ? Certains jugent aussi que le CdS risque d’être plus enclin à déployer des forces là où la situation est dangereuse et impraticable, pour autant que ce soit des mercenaires qui se chargent des opérations. Cela risque encore une fois de discréditer les Nations Unies....

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