dimanche 28 décembre 2008

GUINÉE : Une feuille de route pour la Transition

Le régime autoritaire et corrompu de Lansana Conté a finalement pris fin. Les Guinéens commencent à rêver de démocratie et de bonne gouvernance. La junte militaire qui vient de s'emparer du pouvoir promet d'organiser des élections libres et transparentes et elle entend tenir cette promesse. Le capitaine Moussa D. Camara qui s'est autoproclamé président promet de "chatier" ceux qui détourneront les déniers publics et il annonce qu'il va arrêter l'exploitation minière et promet une renégociatiation des contrats.

Tout ce discours est politiquement très correct et assez rassurant pour les Guinéens, mais il faudra aller au delà des dicours et prouver dans les actes que la gabegie et la corruption qui ont caractérisé le défunt régime sont une histoire du passé. Et pour ce faire, il faut que le gouvernement de transition ait une feuille de route aussi claire et précise que possible. Si la Guinée veut éviter une transition à la Mobutu qui va s'éterniser et aboutir à la guerre civile, il convient de définir des priorités auxquelles le nouveau gouvernement de transition doit s'atteler et éviter d'ouvrir mille chantiers qu'il ne pourra pas tous gérer en même temps. Il n'est jamais simple de définir ce que doivent être les priorités d'un gouvernement de transition, mais je pense que la société civile aussi bien que les partis politiques d'opposition doivent participer au débat pour appuyer les militaires, qui ont pris le pouvoir, à élaborer leur feuille de route. C'est le seul moyen d'arriver à une transition politique efficace. Les polémiques et autres invectives stériles doitvent être révolues au profit de critiques objectives et constructives qui permettront au gouvernement d'améliorer son action.

A mon avis, dans un pays où tout est prioritaire, les 2 points essentiels auxquels, le gouvernement de transition devrait s'atteler doivent être la sécurite et la préparation des prochaines élections.

1. La Sécurité.

La première mission régalienne d'un État est de sécuriser ses citoyens. Aujourd'hui, la Guinée est devenue le refuge du petit et grand banditisme en Afrique de l'Ouest. À Conakry, les citoyens se font agresser et voler leurs voitures ou autres biens, en plein jour. À l'intérieur du pays, les citoyens ne sont pas non plus épargnés. Un petit banditisme sévit dans certaines zones où la criminalité s'accroit de jour en jour. En outre, c'est devenu un secret de polichinelle, Conakry est le nouveau carrefour pour petits et grands traficants de drogues dans la sous-region. Il convient d'y mettre un terme le plus rapidement possible.

2. La préparation des élections législatives et présidentielles.

Les Guinéens doivent se mobiliser et soutenir le gouvernement, voire mettre la pression pour que ce soit la principale priorité du nouveau gouvernement. Si le pays a réussi à sortir de l'ère Conté sans effusion de sang, il ne faudrait pas que, demain, le pays soit plongé dans l'anarchie, en raison d'élections mal organisées dont les résultats seront contestés. Il faut tirer les leçcons de toutes les expériences de transitions démocratiques pacifiques qui ont eu lieu en Afrique au cours des deux dernières décennies. Pour ce faire, il est essentiel de prendre le temps nécessaires pour que toutes les conditions soient réunies avant dorganiser les élections.

J'ai déja entendu des gens, et parmi eux beaucoup de mes amis, dire que deux ans c'est trop long pour une transition. Ils ont soulevé des réserves qui sont fondées, notamment celles de voir les militaires prendre goût au pouvoir et de vouloir le conserver. Après tout, me disent-ils, Lansana Conté avait fait les mêmes promesses que celles présentement faites par le Capitaine Moussa D. Camara. Je conviens avec eux qu'il y a des raisons d'être perplexe. Toutefois, j'imagine et j'ose espère que la Guinée ne connaîtra pas pire que ce qu'elle a déja connu sous les régnes consécutifs de Sékou Touré et Lansana Conté.

Quoi qu'il en soit, il est prefèrable d'avoir des élections bien préparées et bien organisées dans deux ans, plutôt que d'avoir des élections mal préparées et mal organisées dans 6 mois et qui plongeront le pays dans l'anarchie.

Imaginez que nous ayons des élections organisées dans 6 ou 8 mois et que tous les partis politiques contestent les résultats. Qu'arrivera-t-il dans ce cas ?

Pensez-vous que les militaires céderont le pouvoir à un parti politique dont la victoire est contestée par tous les autres ? Je crains que non. Et cela ouvrirait la voie à un régime militaire qui prétendra être seul en mesure de garantir l'intégrité territoriale du pays face aux périls de la guerre civile. Qui contestera sa légitimé avec de tels arguments ?

En outre, il ne faut pas oublier que le capitaine Camara, qui a 44 ans, est encore relativement jeune. Cela veut dire que s'il décide de s'éterniser au pouvoir, la Guinée en aura encore pour, au moins, trente autres années de régime militaire.

Par conséquent, il convient, pour les partis politiques, d'adopter une attitude responsable et de convaincre la junte que le plus important, c'est d'arriver à organiser des élections libres d'une transparence irréprochable. Et celà n'est pas une mince affaire car il ne faut pas oublier que le dernier scrutin honnête et tranparent organisé en Guinée est justement le référendum de 1958 qui a permis au pays d'obtenir son indépendance.

Deux autres rappels importants: dans un pays qui est présenté comme le phare de la démocratie en Afrique de l'Ouest, le Sénégal, où les citoyens votent depuis le milieu du 19 eme siècle, la transparence du vote fait toujours l'objet de contestations. Et même aux Ètats-Unis, la plus grande démocratie sur terre, la question de la transparence est constamment revenue dans les débats au cours des dernières élections. La Guinée est bien loin du Sénégal et des États-unis, en terme d'histoire électorale et démocratique. Il faudrait donc en tenir.

Ce que je voudrais suggérer par là, c'est qu'il serait important que ceux qui auront la charge d'organiser les élections en Guinée effectuent des missions d'études dans certains pays africains qui ont connu des transitions politiques pacifiques. Parmi les pays qui me viennent à l'esprit figurent évidemment le Sénégal, mais aussi et surtout le Ghana, le Bénin et le Mali.

La Guinée pourrait beaucoup apprendre de ces quatres pays. Mais je ne suis pas naïf. J'entends déja certains pseudo-nationalistes nostagiques du PDG rétorquer avec une fierté mal placée que "nous n'avons rien à apprendre". Il convient toutefois, en la matière, de rester humble et de reconnaître ses limites.


Pour clore ce chapitre, je conclurai donc en répétant une fois de plus mon point de vue : Il vaut mieux avoir une transition de deux ans qui aboutira à des élections libres et transparentes dont les résultats seront incontestables que d'organiser dans 8 mois une nouvelle mascarade électorale qui va soit plonger le pays dans l'instabilité soit justifier une confiscation du pouvoir par la junte militaire du Capitaine Camara.

Pour terminer, je voudrais evoquer un troisieme point dont la junte veut faire une priorite et qui ne devrait pas l'être, de mon point de vue.

3. Les contrats avec les compagnies minières étrangères

C'est une question délicate et très sensible dans un pays dont l'economie repose essentiellement sur l'exportation des ressources naturelles. Tout le monde sait que, très souvent, ce secteur est le plus miné par la corruption. Les représentants de l'Etat chargés de négocier avec les compagnies multinationales étant souvent plus préoccupés par ce qu'ils peuvent personnellement gagner dans les négociations que par la défense des intérêts du pays. Cette question nécessite une réflexion approfondie et une remise en cause de leur attitude de la part de nos gouvernants. A défaut de celà, les dénonciations permanentes des contrats et l'obligation de les renégocier, chaque fois que le gouvernement change, risquent de créer une crise de confiance avec les compagnies multinationales et celà aura pour consequence d'éloigner les investisseurs sérieux et d'attirer davantage ceux qui sont prêts à faire des compromis avec une classe politique corrompue plutôt qu'avec des partenaires fiables. La règle de base dans un Etat de Droit veut que les hommes passent et les institutions demeurent et par consequent, la continuité de l'Etat doit avoir un sens dans la mesure où c'est la base de toute relation de confiance avec les partenaires internationaux.

Par conséquent, je pense qu'il n'appartient pas à un gouvernement dit de transition, dont la mission première est de conduire le pays vers des elections transparentes, de renégocier les contrats déjà signés. La junte au pouvoir ne devrait même pas en faire une de ses priorités. Elle devrait laisser le soin au futur gouvernement, qui sera élu au terme des élections, de redéfinir les priorités économiques de la Guinée et de conduire d'éventuelles négociations avec les compagnies minières pour signer des contrats qui profitent au pays et pas seulement aux gouvernants du moment, comme c'est souvent le cas.

Enfin, last but not least, il est temps que les journaliste guinéens ou tous ceux qui écrivent sur les différents sites internet arrêtent d'utilser des expressions du genre "l'Homme fort de la Guinée" ou "le Nouvel Homme fort de Conakry" C'est toujours avec de petits mots comme ceux-là que commence le culte de la personnalité, car à force de les entendre constamment répétés, les hommes au pouvoir finissent par se convaincre qu'ils sont véritablement des "Hommes forts". Nous n'avons point besoin de "Nouvel Homme Fort". Ce dont le pays a le plus besoin aujourd'hui, c'est d'hommes d'État dignes de ce nom.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Great article and through analysis !